Avant tout, et pour écarter toute discussion sur ce point, je suis favorable à une vaccination de masse de la population mondiale pour venir à bout de cette pandémie qui nous pourrit la vie depuis un an et demi.
Mais la mise en place du passe sanitaire (et plus largement le traitement qui est fait par le gouvernement français de la pandémie) est me semble-t-il une mesure bien plus politique que sanitaire qui, comme on va le voir, a une portée qui touche aux fondamentaux de notre contrat social sur plus d’un point.
Premier tour de passe-passe : la vaccination obligatoire. Depuis le début de la pandémie, Macron s’y dit opposé. Il fait appel au civisme, aux lumières, à sa capacité à convaincre pour assurer l’adhésion d’une frange suffisante de la population à la politique vaccinale. « Je le dis et je le répète : la vaccination ne sera pas obligatoire. […] Nous sommes au pays des Lumières et de Pasteur, la raison et la science doivent nous guider. » (27/12/2020). Mais est-ce sa confiance dans la science ou dans la capacité des français•es à se plier à sa volonté qui se sont érodées ? Toujours est-il que la mise en place du passe sanitaire est un déni de cette affirmation précédente. Car que nous dit le passe ? En gros, il nous dit « Mais bien sûr !... Tu peux refuser de te faire vacciner ! Mais je vais te pourrir la vie à un tel point que tu vas le regretter ! Mais tu as le choix, tu es libre car je suis un grand démocrate ». Cette attitude a un écho dans un contexte de passage dans le droit commun des dispositions de l’état d’urgence, de répression de mouvements sociaux, de la Loi dite de Sécurité Globale, du nouveau « Projet de Loi relatif à la Prévention d’actes de terrorisme et au renseignement »… qui continu à aller dans le sens d’une restriction toujours plus grande des libertés publiques. Car enfin, bien évidemment que les vaccins sont un progrès. Personnellement, je ne suis pas choqué qu’un certain nombre d’entre eux soient obligatoires pour mes enfants. Mais en revanche, je serais outré qu’on refuse à un gosse le droit d’aller au cinéma ou au concert sous prétexte qu’il n’est pas vacciné contre la rougeole. Qui ne le serait pas ?
Mais ce n’est pas tout, car la politique sanitaire est aussi l’occasion de renforcer la mainmise du dogme néolibéral sur notre société. Car cette pandémie est une bénédiction. Pas pour les gens qui en crèvent, pas pour les gens qui en souffrent, pas pour les gens qui n’ont plus le droit de boire un coup au bistrot depuis 18 mois. Mais une bénédiction pour les 1%, les actionnaires des labos pharmaceutiques qui s’en mettent plein les fouilles dans des conditions inacceptables. Après le scandale du nombre de doses par flacon de vaccins (qui a rapidement fait pschitt) aurait pu venir celui de plusieurs augmentations du prix des vaccins imposé aux Etats par les labos. Interrogée à ce sujet, la Commission Européenne a refusé de répondre se cachant derrière la « confidentialité des contrats ». Quand des voix s’élèvent demandant la levée des brevets, les caquets se font rapidement rabattre.
Et pourtant…
Aujourd’hui on va proposer une 3ème injection aux personnes les plus âgées. Mais des voix d’infectiologues s’élèvent et dénoncent une décision absurde : nous ne sommes pas face à une épidémie, mais à une pandémie. Le monde entier est touché. Or en Inde, 9% de la population est vaccinée. Au Bengladesh 4,1%, en Afrique du Sud 8,8%, au Nigéria 0,7%... Je continue ? Non, inutile. Mais alors que les labos vont continuer à vendre à prix d’or des vaccins à ceux et celles qui sont déjà les mieux protégé•es, que va-t-il se passer ? Le virus va continuer de progresser dans les pays les plus pauvres, puis à muter, revenir dans nos pays car les frontières ne seront pas fermées (on ne va quand même pas arrêter l’économie), les vaccins seront moins efficaces contre les nouveaux variants et on va donc nous proposer (imposer ?) une 4ème, 5ème, ènième injection.
Ce qu’il faudrait aujourd’hui, c’est de la coopération et de la solidarité, par la levée des brevets, l’installation d’unités de production de vaccins dans les pays les plus pauvres, le soutien financier des Etats à l’action des ONG qui vont vacciner sur le terrain…
Mais ce serait remettre en question le dogme ultralibéral qui aujourd’hui donne un goût amer à ces mots qui trônent au fronton de nos édifices publics : Liberté, Egalité, Fraternité.

Mathias Cazier

Passe sanitaire ou passe-passe politique ?

Billet de Mathias Cazier, co-secrétaire du SNUipp-FSU 71